Séance de travail avec les structures de l’opération: Centre Amadou Hampâte BÂ, les Editions La Sahélienne et le Festival Paroles Indigo. On reconnait sur la photo, de gauche à droite, Ismaila Samba Traoré, Aminata Dramane Traoré, Moussa Gansoré,Nathalie M’Dela Mounier, Isabelle grémillet, Moulaye Traoré, Moussa Sogoba Photo prise par Nabi Zakaria Traoré de La Sahélienne
Par décret du Président de la République du Mali, Mr Ismaïla Samba Traoré est gradé au rang de chevalier de l’ordre national. la cérémonie de décoration s’est déroulé le 1er Février 2019 au Mémorial Modibo Keita sous la Présidence de son Excellence Mr le Ministre de l’économie numérique et de la communication qui a remplacé Madame le Ministre de la Culture et avec la présence Général de Brigade Amadou Sagafourou GUEYE, Grand Chancelier des Ordres Nationaux du Mali.
Mr Ismaila Samba est écrivain, éditeur, chercheur, président du Mouvement Malivaleurs ; il a consacré toute sa vie à la littérature et à l’élaboration de grandes politiques culturelles son pays.
Mr le Ministre de l’économie numérique et de la communication et Mr le Grand chancelier des ordres nationaux
3e RENCONTRE INTERNATIONALE des écrivains, éducateurs, communicateurs
»Tous mobilisés contre l’ethnicisation »
Le Mouvement Malivaleurs en Partenariat avec le collectif d’écrivains Pen Mali ont organisé du 18 au 23 décembre 2018, à Bamako une grande rencontre des écrivains, éducateurs, communicateurs, réseaux de jeunes. L’évènement était axé autour du thème : << Déconstruire les discours et comportements sectaires, identitaires, extrémistes >> et était reparti entre deux étapes : le Symposium et l’atelier méthodologique.
Quelques images du Symposium au CRES sur la Colline de Badalabougou, Bamako.
_Mr Ismaila Samba Traoré, Président
du Mouvement Malivaleurs
_Pr Jean Bosco Konaré,
_Salem Ould El Hajj,
_Madame N’Diaye Mariam COULIBALY,
ancienne représentante pays de l’UNICEF, marraine
de Malivaleurs
Exposé inaugural par Mr Badié Hima,
Directeur résident de NDI Mali
Panel 1 : »Mali, focus sur un pays emblématique qui ne fait plus rêver » _Mr Boubacar BA, Écrivain, juriste et analyste institutionnel Crispations identitaires et conflits locaux dans la région de Mopti
Panel 1
»Mali, focus sur un pays emblématique qui ne fait plus rêver »
_Dr Bréma Ely Dicko,
Écrivain, Chef du département de sociologie
de l’université de Bamako.
Le centre du Mali: logiques d’engagement
des jeunes dans les groupes extrémistes
Panel 1 :
»Mali, focus sur un pays emblématique qui ne fait plus rêver »
_Mme Fatoumata Kéïta
Écrivaine
Typologie des violences perpétrées
sous l’occupation du nord du Mali.
_
Panel 2 :
»Regards croisés sur les crises dans la sous région »
_Edouard YAO
Expert en apprentissage axé sur les compétences
Société civile Côte d’Ivoire De l’ivoirité
construction, amplification et guerre
civile
Ibrahim
Panel 2 :
»Regards croisés sur les crises dans la sous région »
_Ibrahim Balaya DIALLO
Société civile Guinée :
Guinée, la fracture ethnique
Panel 2 :
»Regards croisés sur les crises dans la sous région »
_Mlle Aminata Dioubaté,
Société civile Guinée :
Guinée, la fracture ethnique
Panel 2 :
»Regards croisés sur les crises dans la sous région »
_Ibrahima Harane Diallo,
Journaliste Radio Tamani,
Etude comparative des groupes extrémistes au Sahel (Aqmi/Boko HARAM)
Panel 2 :
»Regards croisés sur les crises dans la sous région »
_David Kpelly :
Crise de gouvernance et conflictualité au Togo
_Mr Boubé Saley,
Écrivain, Professeur à l’Université de Zinder,
Niger
La radicalisation et la politique de déradicalisation
_Mouminy Camara,
Écrivain, Enseignant chercheur au CESTI,
Dakar,
Média et conflits
»La synergie entre les différents acteurs »
_Mme Justine Coulidiaty
Enseignant-chercheur à l’Université de Ouaga
Burkina Faso
Quelles stratégies pour une synergie d’actions
des différents acteurs pour assurer la stabilité et la paix dans la sous région?
»Perspectives de déconstructions par la gouvernance politique »
_Pr. Issa N’DIAYE,
Écrivain, Président du Forum Civique Démocratie et fractures sociales
_Pr. Fodé Moussa SIDIBE,
Écrivain, Chercheur
La place des donsos dans l' »tablissement de la paix dans le nord Mali
l’assistance
l’assistance
l’assistance
l’assistance
les étudiants de la Côte d’Ivoire et ceux du Mali
Pause / échanges et partage
Pause / échanges et partage
FIN DU SYMPOSIUM
Quelques images de l’atelier méthodologique à la Résidence Margot de Badalabougou, Bamako.
A la parution de l’Anthologie de la poésie malienne (La Sahélienne, 2013), le dramaturge Gaoussou Diawara, décédé en septembre 2018, a écrit ce texte à la demande de l’éditeur et auteur de l’ouvrage, Ismaïla Samba Traoré. D’un commun accord, le texte avait été conservé afin que sa parution coïncide avec le Festival international de poésie du Mali (FESTIPO), dont l’annonce a eu lieu le 15 décembre 2019. Selon M. Traoré, le FESTIPO pourrait être lancé du 17 au 20 janvier 2020 sur des sites de Bamako à Tombouctou.
L’Anthologie de la poésie malienne, parue en 2013 aux Éditions La Sahélienne, est la toute première dans son genre. L’ouvrage de 184 pages est dirigé et présenté par l’écrivain et le poète Ismaila Samba Traoré avec la préface assez outillée du professeur Oumar Kanouté, homme de lettres et leader politique qui le fixe dans son contexte.
Cet ouvrage vient à point nommé car aujourd’hui plus que jamais, la poésie a sa place au Mali. Parce qu’elle est facteur de cohésion sociale et de partage des diversités culturelles. En ces temps de crises, la poésie permet à l’homme de se retrouver. Elle apaise les cœurs, apporte la joie de vivre, incite à l’humanisation, favorise la paix et permet d’aller à la rencontre de l’Autre. La poésie éduque, elle permet de connaître sa propre culture et celle des autres. Elle contribue à la promotion des valeurs identitaires et de l’interculturalité.
Autant de raisons pour saluer l’édition de ce précieux ouvrage et du Festival international de poésie en perspective.
Au Mali la tradition de la lecture le cède à l’oralité. La poésie est dite, à l’instar des maîtres de la parole, les dyali (« griots ») qui constituent la synovie de l’entente sociale. Je ne peux résister au plaisir de comparer cette anthologie à une vieille roulotte qui a mis plus de cinquante ans à atteindre sa destination.
Anthologie fédérale
En effet, depuis le 17 janvier 1959, avec le regroupement du Sénégal et du Soudan au sein de la Fédération du Mali, avec Modibo Keita comme chef du gouvernement et Léopold Sédar Senghor comme président, un projet d’anthologie fédérale fut conçu par Senghor impressionné par la puissance du verbe de notre espace géographique commun. Le chantre de la négritude, lors d’une de ses visites officielles à Bamako, en formulera le désir au Président Modibo Keita, qui chargera le doyen des poètes Mamadou Gologo du projet. L’initiative démarra avec Siriman Cissoko, enseignant, et de Matié Traoré, agent technique des Postes et Communication, Siguino Sanogo, agent d’agriculture, Sian Samaké de la subdivision de Bamako.
L’éclatement de la Fédération du Mali aura raison du projet. Mais, une quinzaine d’années plus tard, Abdoulaye Ascofaré publie son premier recueil Domestiquer le rêve dont la fraîcheur du langage donne soif à lire les poètes de sa génération. Il décide de travailler au montage d’une anthologie mais le projet sera en butte à de nombreuses difficultés.
Par leur facture, les poèmes de l’anthologie d’Ismaila Samba Traoré sont comparables à des fruits naturels, mûris à l’arbre, sans précipitation. Nourris de soleil et de pluie, ils ont pris le temps qu’il faut à l’idée pour germer, s’enraciner et devenir une idée force. Voilà pourquoi l’idée du Président Senghor voulait que cet ouvrage épousât l’art de dire des dyali de chez nous. Eux qui savent déclamer les hauts faits marquant la vie de la communauté, ses espérances, ses angoisses et ses tristesses. Régulateur social, démiurge, orfèvre du verbe, ces maîtres de la sémantique sont à la fois craints et adulés de tous.
Patrimoine littéraire
Le poète de cette anthologie est un chantre qui dit, qui se dit, qui s’écrit, qui se décrit, qui dit l’Autre et ses relations au monde. Le poète de cet ouvrage a un sens poussé de la sonorité dans le mot, du rythme dans le vers, de l’hermétisme voulu dans l’image. Un don qui fait de certains poètes et poétesses d’excellents paroliers ou chansonniers, parce qu’ouverts à la musique dans les compositions des vers, dans les jets et rejets.
Je suis particulièrement fier du travail abattu par mon ancien étudiant Ismaïla Samba Traoré. Il a travaillé sur cette mosaïque poétique pendant deux ans et il a réussi le pari d’aligner les œuvres de trente-huit poètes de différentes générations. Il ne serait pas exagéré de dire que le poète, chercheur et éditeur qu’il est, a offert à notre pays un patrimoine littéraire avec lequel il va falloir compter.
Il y’a six ans, le 10 décembre 2013, l’ethnologue et historien
Youssouf Tata Cissé nous quittait
Nous vous proposons la célèbre
oraison funèbre écrite et lue aux obsèques par son disciple Ismaila Samba
TRAORE
Karamoko
Youssouf, I ni wale
Permettez qu’en prenant la parole
ici, je m’exprime au nom de certains collectifs qui tiennent à rendre hommage
au professeur Youssouf Tata Cissé qui nous a quittés.
– Il s’agit du réseau de
parents et amis, ici représenté par M. Kader Samaké et vous tous ;
Il s’agit du ministère de la culture
représenté ici par le chef du département Bruno Maïga
– Il s’agit de ses nombreux
collaborateurs enseignants-chercheurs, institutions maliennes et françaises
confondues ;
– Il s’agit des milliers
d’étudiants, enseignants et chercheurs qui l’ont fréquenté ;
– Il s’agit du collectif
d’écrivains PEN Mali dont je suis le président… Il s’agit de la communauté des
professionnels du livre et de l’écrit.
Le Mali salue aujourd’hui à travers
cet homme un savant immense ! Un grand donso ! Un des chercheurs et
écrivains maliens les plus illustres ! Un professeur iconoclaste qui a su
se rendre disponible pour de nombreux chercheurs et étudiants.
Il a en effet contribué à l’Institut
des sciences humaines du Mali, au Centre national de la recherche scientifique
de France et à la prestigieuse Sorbonne, à qualifier notre pays et ses
traditions orales, à apporter le témoignage de la qualité de nos systèmes
pluricentenaires de transmission des savoirs et des patrimoines.
Le Mali, ses enseignants, chercheurs
et écrivains joignent leurs voix à la mienne pour saluer l’ethnologue et
historien de race qui a recueilli le meilleur des matériaux sur les grands
empires, avec certains des traditionnistes les plus qualifiés. Disant cela, je
salue la mémoire de Wa Kamisoko, son ami, son frère et fidèle compagnon… Le
Mali salue en Youssouf Tata Cissé un chercheur qui a consacré toutes ses
ressources et toute son énergie à son travail et qui a publié ses travaux, ce qui
n’est pas le moindre de ses mérites.
Le travail titanesque qu’il a abattu
s’est révélé être souvent un véritable combat, qu’il a livré et gagné, contre
une frange d’académiciens qui ne voulaient pas reconnaître aux traditions
orales la qualité de sources crédibles pour l’établissement de l’histoire
africaine.
Youssouf Tata Cissé a terminé sa
carrière au plus haut sommet académique.
Il est :
médaillé d’honneur du CNRS (France)
officier de la Légion d’honneur (France)
officier de l’Ordre national du Mali
I Cissé ! Tu as amplement
mérité toutes ces distinctions.
Que seraient les études mandingues
sans toi, que seraient les études maliennes sans toi ?
Nous sommes nombreux à avoir formulé
le projet que tu puisses t’adresser à des cercles encore plus élargis. Car
c’est la vocation des monuments humains comme toi, de dispenser leur savoir au
sein et en dehors de l’école. Comme un grand karamako ! Car tu étais à toi
tout seul une université vivante, qui enseignait la connaissance de soi, en
décryptant à merveille l’onomastique et la trame complexe des processus
migratoires et de peuplement du Sahel. Tu pouvais parler du Mali, de Kayes à
Kidal, en ethnologue dont le savoir foisonnant laissait complètement bouche
ouverte ceux qui venaient à toi.
An balimaw, nous venons de perdre le
plus grand historien-ethnologue-archiviste de notre pays. Il savait des choses
sur toutes choses. L’une des marques de ce type de monument humain, c’est qu’à
son contact, on ne se sent pas suffisamment intelligent, pas suffisamment de
mémoire pour retenir tout ce qu’il vous raconte.
Comment cet homme a-t-il été
bâti ? Formé ? Éduqué ? Où a-t-il pu capter une mémoire aussi
immense ? Comment faisait-il pour être jeune avec les jeunes, pour se
mettre au niveau du plus humble des disciples ? Pour être généreux et
donner tout son temps à tous dans sa maison-université du boulevard Pereire à
Paris ?
Dieu le Clément et Miséricordieux sait reconnaître les gens de mérite et mon
« koro » ira au paradis, Incha’allah, comme tous les grands maîtres
qui ont passé leur vie à transmettre leur savoir… avec générosité. Les ouvrages
qu’il laisse derrière lui et ses travaux non encore publiés constituent une
immense contribution pour la mémoire de nos sociétés maliennes et sahéliennes.
La charte du Mandé ou encore Manden Kalikan qu’il a mis en évidence a été
reconnue par les Nations unies en 2008 comme source des droits de l’homme et
inscrite depuis 2009 par l’Unesco au patrimoine immatériel de l’humanité.
Youssouf Tata Cissé, ce fut tout
cela ! Et beaucoup plus encore !
Les collectifs dont je fais partie
prennent l’engagement de perpétuer ta mémoire, koro Youssouf…
I Cissé ! Repose en paix !
Par Ismaïla Samba TRAORÉ,
Président du mouvement Malivaleurs
Président du collectif d’écrivains PEN Mali
Discours d’ouverture du président de PEN MALI / MALIVALEURS Ismaila Samba TRAORE
Documenter l’histoire sociale, documenter les
trajectoires des hommes publics, documenter les crises, documenter les
processus de paix, les formules et stratégies qui ont permis d’aboutir,
documenter les communautés et l’histoire des établissements humains, documenter
les déviations et les dérives politiques, documenter les problèmes quotidiens,
faire le plaidoyer de la paix sociale, de la diversité et de la différence
depuis l’école, tel est le crédo des écrivains, nos devanciers comme nos
contemporains.
La
Journée du Mérite littéraire s’adresse aux acteurs de notre famille du livre, hommes et femmes patriotes, travailleurs
infatigables, bâtisseurs, penseurs, citoyens exemplaires…Certains ont subi
tortures et déportation, d’autres ont perdu la vie.
En
organisant cette cérémonie et les remises de distinction qui vont suivre, nous
avons voulu mettre l’accent sur ces modèles, les actes majeurs qu’ils ont posé,
les leçons que peut tirer la jeunesse pour se doter de valeurs, pour innover,
bâtir.
Susciter
un mouvement national pour affecter des noms aux rues (au nom des personnalités
vivantes ou disparues, écrivains, hommes publics, médecins, enseignants,
militaires, leaders traditionnels, etc.). Lesdites rues seront pavoisées par
les portraits géants que nous avons créés sur ces figures modèles.
A ce stade, permettez-moi
de saluer la mémoire de Moussa Travélé, Fili Dabo Sissoko, Ibrahima Mamadou
Ouane, Yoro Diakité…
Massa Makan
Diabaté, Moussa Konaté,
Modibo Konaté…
Qui sommes nous et quelle
est notre place dans l’histoire de la construction de la nation?
Parlant
de l’esprit qui a présidé à la création de l’emblématique maison d’édition
Présence Africaine, Jacques Rabemananjara disait ceci au Congrès des écrivains
et artistes noirs de 1956: « tant
d’injustices et les redresser, tant d’aliénation et les combattre, Présence
Africaine est fille de ces préoccupations » fin de citation. Ecrivains
et éditeurs se sont longtemps reconnus dans cette formule de Rabemananjara.
Cette profession de foi des précurseurs de la littérature et du combat
politique a alimenté le combat de toute une génération car Présence Africaine a
préparé les élites à la lutte pour l’indépendance, aidé l’école et l’université
en Afrique et façonné la conscience des nouvelles élites.
De même, Aimé Césaire a eu ces mots que
des générations de militants ont repris : « Faites de moi la bouche
de ceux qui n’ont pas de bouche ».
Artiste engagé ! Ecrivain
engagé !
Ces terminologies voulaient dire quelque
chose pour les artistes et écrivains d’une certaine génération…Qu’en est-il
aujourd’hui ?
Les
professionnels du livre et les artistes contribuent de manière décisive à son
développement. Un système éducatif et une société modernes reposent sur bien
des acteurs et produits, au nombre desquels des écrivains, des éditeurs, des
bibliothèques, libraires et bibliothécaires, des professeurs de littérature,
etc.
La
politique éducative scientifique et culturelle des pays développés intègre à
l’école les ateliers de créativité artistique sur le dessin, la musique, la
danse, l’écriture, comme complémentaires de l’enseignement des disciplines
classiques. Mieux, comme déclencheur de capacités pour les jeunes enfants.
Ecrire s’apprend dans le sens où il faut pratiquer les techniques, apprendre à
structurer la pensée, à faire des synthèses, à s’exprimer correctement.
L’enseignement des techniques d’expression est à la lisière de plus d’une
discipline, car il fait intervenir la communication, la stylistique, les
techniques de l’expression orale.
A
partir de l’école, il faut servir au jeune enfant des enseignements sur les
questions éthiques, la citoyenneté, l’histoire des idées, l’histoire de
l’Afrique, la philosophie de l’histoire. En somme comme le dit l’UNESCO
« …édifier les remparts…dans la tête des nouvelles générations ».
La
filière du livre au Mali est tributaire d’un contexte. Editeurs et
écrivains sont en effet des penseurs, des acteurs indépendants, des opérateurs
privés d’une filière qui, pour atteindre ses objectifs, a besoin que soient
élaborées et conduites des politiques publiques adéquates.
Il
existe un environnement, complexe, qui explique certaines particularités du
livre et de l’écrit dans notre société malienne.
Nous
sommes, dit on, une société malienne qui aurait des particularités. On entend
tous les jours cette formule : « nous sommes une société d’oralité. On
ne lit pas, on parle, on raconte. » En somme une société de la grande
palabre !
Ceux
qui véhiculent ces lieux communs prolongent sans le savoir les préjugés
coloniaux visant à déconsidérer les sociétés dominées. L’on oublie volontiers
que toutes les communautés humaines fonctionnent à l’oralité. Lorsque se pose
la question de la fixation des patrimoines et des modes de transmission des
savoirs, elles se tournent vers le support écrit. A cet égard la société
malienne, elle aussi, est une société de l’écrit. A travers son patrimoine de
manuscrits anciens, notre pays se trouve à la tête de la plus grande
bibliothèque précoloniale d’Afrique au sud du Sahara.Disant cela, nous faisons référence aux manuscrits dits « de
Tombouctou », c’est-à-dire à tous les écrits réalisés par les lettrés
maliens depuis le temps des grands empires. Il faut se rappeler que ce
rayonnement intellectuel est allé de pair avec le rayonnement militaire,
politique et diplomatique du Mali précolonial.
L’environnement
du livre peut être schématisé à travers trois facteurs:
Premier facteur à
considérer :une
société qui, dit-on, ne comprend pas toujours que l’on se mette à part,
pour écrire ou lire. Le mode de communautarisme dont il s’agit s’opposerait aux
formes d’individualisme …
Deuxième facteur :une industrie du livre qui fut en
pleine émergence jusqu’à l’effondrement généralisé provoqué par la crise
malienne. Avant la crise, éditeurs et libraires se plaignaient de l’étroitesse
du marché, du faible pouvoir d’achat des lectorats, des coûtsde production très élevés qui rendent le livre
produit sur place ou à l’étranger inaccessible pour l’acheteur local.
Troisième facteur
enfin : Des écrivains. Ici,
il n’est pas nécessaire d’évoquer toute la production littéraire de notre pays.
De Moussa Travélé à Fily Dabo Sissoko, Ahmadou Ampathé Bâ, Seydou Badian Kouyaté,
Massa Makan Diabaté, Moussa Konaté…la place du Mali dans la production
littéraire africaine est remarquable. Ce qui l’est moins, à nos yeux, c’est
l’autre versant de cette production, à savoir la littérature grise, la
production universitaire, les écrits politiques, les grandes analyses, la
réflexion sur les concepts.
Les maliens semblent moins productifs que les
sénégalais, camerounais, ivoiriens, congolais…Un des porte-voix de cette
réflexion critique africaine est sans conteste Aminata Dramane Traoré,
altermondialiste bien connue qui prend place sans complexe dans le débat
mondial.
Par
écrivains, nous ne parlons pas seulement de la littérature francophone, mais de
l’ensemble du patrimoine malien. On ne peut évoquer les bibliographies
maliennes et même africaines sans mentionner l’important d’écrits et
bibliothèques familiales dont Tombouctou et Djenné sont les
porte-flambeaux.
Sous
l’impulsion d’Amadou Ampathé Bâ, l’Unesco s’est penchée dans les années 60 et
70 sur les patrimoines tant écrits que de tradition orale. Pour les traditions
orales, il s’agissait d’impulser un programme de collecte systématique auprès
des détenteurs de traditions. Dans ce schéma, tout vieillard était considéré
comme une bibliothèque…en péril. (cf célèbre formule d’A A Bâ)
Dès
1967 l’idée d’un centre consacré aux manuscrits anciens est évoquée à
Tombouctou par Boubou Hama du Niger et Mahamane Alassane Haïdara, homme
politique malien. En 1973, le CEDRAB est créé à Tombouctou. Au fur et à mesure,
il va collecter à tour de bras. Aujourd’hui la structure qui s’appelle
désormais Institut des Hautes Etudes de Recherche Islamique Ahmed Baba
disposait, toujours avant la crise, d’un fonds de plusieurs dizaines (trente
mille) de manuscrits consacrés à la théologie, l’histoire, la physique, la
gouvernance, les droits (femme, esclave) la musique, la pédagogie, et beaucoup
de Fatwa, (points de vue sur un
problème donné).
Les acteurs et les politiques
Qui
sont les acteurs qui documentent la bibliographie malienne ?
Au
Mali, l’éditeur et l’écrivain sont deux acteurs qui évoluent ensemble depuis
une cinquantaine d’années. Ensemble ils ont affronté les combats de la
désaliénation et de la lutte pour l’indépendance, ils ont contribué à doter le
système éducatif malien et africain et aujourd’hui ils aident à bâtir une
industrie ou si vous préférez une économie de la culture.
Politiques
éducatives et culturelles
Le
régime de la première république (1960-1968) a lui aussi construit des logiques
du même type. Selon Moussa Tati Kéïta[1], « la pédagogie du système colonial
était fondée sur le déracinement des élites. Soixante années de cette pédagogie
nous ont éloignés des valeurs africaines authentiques.»
Un
des premiers instruments mis en place pour rétablir les valeurs battues en
brêche, ce fut une politique éditoriale, incarnée par la Librairie Populaire du
Mali (LPM), qui est née en 1961 d’un patrimoine privé, l’Etoile Noire d’Ahmadou
Djikoroni Traoré que je considère personnallement comme le père de l’édition
malienne. La LPM va rendre disponible en tous lieux du territoire national les
livres et matériels pédagogiques nécessaires aux apprentissages. Mieux la LPM
va susciter en son sein la naissance des Editions Populaires du Mali en 1965.
Le destin de la maison d’édition d’Etat sera chaotique. La plupart des livres
programmés sortent de presse après le changement de régime intervenu en 1968.
Après une période faste (années 70) qui voit la publication de nombreux écrits,
dont le premier ouvrage de Massa Makan Diabaté, des écrits de Issa Baba et Issa
Falaba Traoré, des études de Rokiatou N’Diaye Kéïta et Bokar N’Diaye, etc. la
structure va marquer le pas au cours des années suivantes, entraînant des
polémiques orageuses entre ses dirigeants et les animateurs de l’Union des
Ecrivains. Seule l’imprimerie (nationale) a continué à tourner, la politique
d’édition fut délaissée jusqu’au bradage de la structure, biens immobiliers,
équipement et fonds éditorial compris, à un opérateur économique de la place.
L’opérateur
économique à qui ce patrimoine est cédé va créer les EDIM sa, avec un pendant
imprimerie très puissant (Graphique Industrie). Il se lance dans l’édition de manuels, dépossédant ainsi les
derniers barons de l’édition française qui continuaient à régner sur ce
secteur. Les EDIM règnent depuis sur le marché du manuel scolaire avec Jamana,
Donniya ainsi que des imprimeries. Des structures opportunistes d’émanation
politique, prélèvent également leur part de marché du manuel scolaire
contribuant à quelques uns à capturer ce marché qui fait l’essentiel du chiffre
d’affaire de l’édition..
Lorsqu’Alpha
Oumar Konaré crée la Coopérative Culturelle Jamana en 1984, il met en place
presqu’aussitôt, en 1987, les Editions Jamana, première maison d’édition non
étatique. Konaré et son équipe mettent l’accent d’entrée de jeu sur le livre en
langues nationales, concepts et visions débattus au sein d’un cercle de
militants, connu sous le nom de Groupe
bembakan dungew, animé par Abdoulaye Barry, Mamadou Doukouré « V
zéro », Issa N’Diaye, Drissa Diakité, Alpha Oumar Konaré…
Il est frappant de constater que ceux qui vont
s’engouffrer dans l’édition, après 1990, à la suite de la brèche ouverte dans
le domaine par Konaré, ce sont surtout des écrivains. Chiaka Diarrassouba (Fayida) dont la structure est née dès le
début des années quatre-vingts, Ismaïla Samba Traoré (La
Sahélienne), Moussa Konaté (LeFiguier), Dramane
Traoré (Kalandiya), Samba Niaré (EDIS). Des fils d’écrivains arrivent au
courant des années 2000, en 2è génération après leurs parents : Igo Diarra
(Balani’s) et Kadiatou Konaré Dramé (Cauris Edition). Comme cela arrive
souvent dans la profession, une directrice éditoriale créé sa propre
structure : il s’agit de Maïra Sow des éditions Asselar. Une des dernières nées, Editions Tombouctou, est également le fait de deux jeunes
écrivains, la romancière Aïda Mady Diallo et le nouvelliste Ibrahima Aya.
Côté
écriture en langues nationales, nous sommes encore aujourd’hui dans l’ère des
transcripteurs et des traducteurs: il existe peu d’ouvrages de création pour
l’instant, hormis les écrits de Dramane Traoré, Demba Aboubacar Pamanta, Samba
Niaré et Ismaila Samba Traoré.
Le cas spécifique de la littérature de
jeunesse au Mali
Le premier
intervenant qui a ciblé cette catégorie de livres, dès 1985, est Chiaka Diarassouba
(Fayida). Grâce au soutien de la Direction de l’Enseignement Fondamental
dirigée à l’époque par Oumar Issiaka Ba, il réussit à faire acheter ses
productions par l’école malienne. Il s’agissait de petits récits, écrits et illustrés initialement par
l’Ecole de Formation des Educateurs Préscolaires. L’adaptation littéraire en a
été assurée par Chiaka Diarassouba lui-même.
Il s’agit des
brochures illustrées suivantes :Birama
et son père, Une ruse de N’Golo,
l’Abeille racontée aux enfants, Pourquoi
la grenouille est-elle dans l’eau.
L’éphémère Revue Fayida qu’il fonde enregistre la
collaboration occasionnelle d’Ismaila Samba Traoré et d’Abdoul Aziz Diallo. Les
petits récits y côtoient des contes et des jeux. Il ne s’agissait pas encore de
bandes dessinées.
Lorsque
naissent les Editions Jamana en 1986-87, une collection de livres pour enfants
intitulée Céjuguni est annoncée, mais il faudra attendre 1990 pour voir la
parution du premier titre Maïa et Taïa d’Ismaila Samba TRAORE, par ailleurs
directeur de collection à Jamana. Les images sont de Louis Frégier. A la suite
de Jamana et La Sahélienne, les éditions Donniya, le Figuier et plus récemment
Assélar et Balani’s ont mis sur le marché des livres pour enfants, bandes
dessinées et récits illustrés.
III-2 Infrastructurer
Aujourd’hui,
nous devrions « infrastructurer », pour parler comme le Pr Joseph Ki
Zerbo. Infrastructurer, c’est créer les conditions de développement pour toute
la chaîne du livre. Ici, plus que dans d’autres filières, la part des écrivains
et éditeurs dans l’atteinte des objectifs est très grande. Professionnaliser
les métiers, s’organiser pour maîtriser les coûts et les circuits, obtenir
l’aval du système financier, représentent des modes opératoires
incontournables, mais qui ne peuvent se faire que si l’Etat veille aux bons
principes.
S’agissant
des objectifs qualitatifs recherchés par l’école, les professionnels du livre
contribuent de manière décisive. Un système éducatif et une société modernes
reposent sur bien des acteurs et produits, au nombre desquels des écrivains,
des éditeurs et des livres.
La
politique éducative scientifique et culturelle des pays développés intègre à
l’école les ateliers de créativité artistique sur le dessin, la musique, la
danse, l’écriture, comme complémentaires de l’enseignement des disciplines
classiques. Mieux, comme déclencheur de capacités pour les jeunes enfants.
Ecrire s’apprend dans le sens où il faut pratiquer les techniques, apprendre à
structurer la pensée, à faire des synthèses, à s’exprimer correctement.
L’enseignement des techniques d’expression est à la lisière de plus d’une
discipline, car il fait intervenir la communication, la stylistique, les
techniques de l’expression orale.
En guise de conclusion
En
ce moment, une certaine perplexité caractérise le monde du livre et de l’écrit.
Après Sartre et Rabemananjara, un écrivain, un artiste c’est quoi, en
définitive? Et à quoi sert-il ? Peut-on dire qu’il s’agisse encore d’un statut
et d’un produit stratégiques ? Cet écrivain ou cet artiste, peut-il
changer la société et le monde ?
Pour
l’Afrique, en cette étape, l’écrivain et l’artiste demeurent plutôt des
transcripteurs des mémoires menacées de disparition, des passeurs des savoirs,
de la singularité et de l’inter culturalité, des penseurs qui s’adressent à
l’Afrique, qui l’aident à réfléchir, à penser, qui se battent pour que le
continent ne soit pas le consommateur passif des produits et concepts créés par
les autres.
Disant
cela, je ne pense pas seulement aux littéraires, mais aux artistes, aux
opérateurs culturels, à tous ceux qui, toutes disciplines confondues, peuvent
traduire l’Afrique. Nos sociétés, partie prenante dans le monde, ne participent
pas assez aux réseaux mondiaux de production et de diffusion des contenus à
caractère culturel, éducatif, scientifique, etc. Nous ne contrôlons même pas ce
qui fait notre image.
Le
livre et les arts doivent plus que jamais « transcrire l’Afrique »,
afin de produire des contenus. La « création de contenus », comme
objectif de développement de la recherche, ne ressemble pas aux idéologismes qui ont calibré la mission de
l’écrivain et de l’artiste au cours des années pré et post indépendance. C’est
une nouvelle réalité, à satisfaire.
Je
m’interroge : Que vaut la capacité de créativité de nos communautés de
plus en plus projetées par le satellite sur la toile mondiale?
Que
peut le fonds culturel africain pour aider nos sociétés à atterrir sur la toile
mondiale sans préjudices pour ses enfants ?
Nous
avons besoin, de toute urgence que soient actionnés deux schémas de travail: la
créativité d’un côté et de l’autre la production de la pensée.
– La créativité d’abord. La production d’une pensée, de produits
et biens culturels, s’opère dans un contexte de plus en plus extraverti. Les
dérives de la gouvernance actuelle en Afrique a pour noms fraudes,
clientélismes ethniques et régionalistes, corruption des élites et maffia
émergentes, toutes choses qui entraînent de grandes fractures sociales et
économiques. Des antivaleurs militent contre les principes de justice,
d’équité, de travail bien fait, d’argent gagné à la sueur de son front, de
probité, etc.
– La production de la
pensée. Ce sont les
dirigeants africains qui ont le pouvoir. Les sociétés civiles instrumentalisées
et les secteurs privés émergents ne comptent pas. Alors qui peut actionner une
renaissance des idées ? Comment actionner une renaissance
démocratique après les dérives des vingt dernières années?
Quand nos
dirigeants parlent de culture, on a l’impression que c‘est un territoire à
part. Mais en fait les actes publics ne reconnaissent que le jembé fola et les
cantatrices. La culture, c’est en gros et en vrac. C’est tout juste si certains
admettent que la pensée soit la culture, puisque la dynamique de production de
laboratoires de pensées c’est ailleurs. C’est ailleurs qu’il ya les think tanks.
Si vous partez
de cette rencontre en disant qu’il faut refonder l’Afrique en partant de sa
culture, ces caciques vont être rassurés, car ils penseront avoir entendu des
lieux communs, ce qui ne les inquiète pas.
La colère couve
dans la famille du livre. Elle pourrait, devrait prendre la forme d’une
révolte. Les écrivains sont aujourd’hui dans un devoir d’interpellation. Au nom
de la pensée critique. Au nom de la mauvaise gouvernance des affaires publiques
qui frappe de plein pied les professions, privant votre enfant, nos enfants, de
l’outil indispensable aux apprentissages, à savoir le livre.
Où se situent
les responsabilités ? Elles se trouvent au niveau de ceux qui refusent que
la littérature soit le reflet de leurs travers. Mais qui au vu et au su de
l’histoire détournent les institutions à leur profit, encanaillent la pratique
politique, font des milliards comme d’autres font des bébés.
Elles se
situent à notre propre niveau, car il nous faut être plus solidaires, plus créatifs,
plus combattifs.
Je vous remercie
[1] entretien réalisé en Octobre 2005 à son domicile